LA PIECE
Le 1er août 1400 meurt en couches Margherita, épouse de l’auteur. La perte de la femme aimée entraîne Johannes Von Saaz dans une invective contre la mort. C’est alors qu’elle apparaît, personnifiée, bien décidée à défendre la noblesse et la nécessité de sa tâche. S’ensuit une joute verbale véhémente, une controverse profonde et acerbe où la douleur de l’auteur affronte l’humour corrosif de la mort. Mais peut-il et doit-il y avoir un vainqueur ?
La version scénique proposée ici est une traduction et adaptation de l'allemand médiéval de la chancellerie de Prague par Dieter Welke et Christian Schiaretti.
POURQUOI CE TEXTE ET COMMENT LE METTRE EN SCENE ?
Au départ il y avait la volonté de deux comédiens-metteurs en scène de travailler ensemble.
Il y avait également des tonnes de contraintes : trouver un texte contemporain (c’est le cœur du travail de la compagnie Fond de Scène), qui soit universel (pour pouvoir concerner tous types de publics, être joué partout…), qui ne nécessite que peu de scénographie (une envie commune et une nécessité économique), qui ait une valeur littéraire (pas moyen de transiger sur le sujet !), qui recoupe l’histoire et l’imaginaire commun de ces deux artistes, pour qu’ils puissent œuvrer ensemble à la mise en scène et « au plateau » sans mettre en danger le projet.
Et puis un jour, l’envie de l’un rencontre la vie de l’autre, Le laboureur de Bohême est proposé par l’un qui ignore que l’autre est face à un deuil violent.
L’évidence apparaît, le texte n’est pas à proprement parlé contemporain, mais son adaptation l’est et il répond à tous les autres points du cahier de charge. Nous avions notre texte et notre projet pouvait prendre forme !
LA MISE EN SCENE
Il était crucial de faire entendre, la pertinence, la spiritualité, la poésie et la profondeur du texte. Un long travail de table, de lecture, d’analyse a donc été le nécessaire préalable aux répétitions pour ne rater aucune idée du texte et déterminer qui jouerait quoi, car à priori aucune distribution ne se dégageait.
Ce travail fait, nous avons considérablement expérimenté, sans à priori, pour nous familiariser avec le texte, pour sentir comment il nous faisait bouger, pour trouver le jeu (puisque cela reste du théâtre), pour nous frotter aux impossibilités et incohérences… Et nous avons été conduits à faire des choix…
D’abord nous personnifions La Mort, bien qu’elle dise « n’avoir ni forme ni être » car il nous semblait crucial de privilégier la controverse et la communication entre les deux personnages afin de rendre ce texte poétique, religieux et spirituel aussi vivant que possible.
Alors pour donner à voir l’absence de corps de La Mort, nous tentons à contrario de lui en donner plusieurs, tantôt humain, tantôt animal, tantôt minéral, tantôt vent, tantôt terre, tantôt nulle part, tantôt partout…
Ensuite nous choisissons de faire coïncider le parcours du spectacle avec celui du deuil et de la résilience. Au premier mot, la femme du laboureur vient de mourir, au dernier, nous sommes des mois plus tard et le deuil est fait.
Et la distance sur scène entre les deux personnages traduit la manière avec laquelle l’on se bat et l’on flirte avec la mort sur ce chemin du deuil (on la rejette, on la provoque, elle nous attire, elle nous gâche la vie…)
Enfin nous nous efforçons de mettre en abîme le texte, tout d’abord en montrant que Le Laboureur est l’auteur de cette controverse et qu’il porte donc aussi en lui la parole de La Mort, et enfin en utilisant autant que possible l’espace du théâtre qui nous accueille, en cassant le quatrième mur, en adressant le plus souvent possible les propos au public, pour rappeler à tous, que vie et mort cohabitent et qu’à tout moment l’une peut prendre l’ascendant sur l’autre.